Découvrez la proposition de loi AILE(S) !
Ce dispositif vise à assurer à toute personne majeure un minimum de 564 Euros mensuel versé automatiquement en lieu et place du RSA et de la prime d’activité, de manière dégressive en fonction des revenus de la personne pour garder une réelle incitation au travail, et de manière inconditionnelle pour permettre aux travailleurs sociaux de concentrer leurs interventions sur l’accompagnement et non le contrôle des personnes.
Ce revenu de base d’un coût de 16 milliards d’Euros annuels serait financé par :
- Un plafonnement du quotient conjugal au même niveau que le quotient familial.
- La création d’une tranche supérieure de l’impôt sur les revenus à 50% pour les revenus supérieurs ou égaux à 250 000 Euros.
- La non suppression de la taxe d’habitation pour les 20% des foyers les plus riches.
- Une réforme de l’impôt sur les sociétés de manière à assujettir les multinationales là où elles réalisent leur chiffre d’affaire.
Alors que les inégalités de patrimoines s’accroissent plus fortement encore que les inégalités de revenus, pour que démarrer dans la vie ne soit pas le privilège de quelques-uns, ce dispositif ouvre le Compte Personnel d’Activité de toute personne à ses 18 ans avec un crédit de 5 000 €, qui peut être librement utilisé pour des projets de formation, de mobilité ou d’entrepreneuriat.
Cette Dotation Universelle d’un coût annuel de 4,5 milliards d’Euros serait financée par:
- Une réforme de la fiscalité sur les successions. Celle-ci n’est aujourd’hui en moyenne que de 5% et de fait les plus grandes fortunes y échappent largement. Il est proposé d’instaurer une franchise totale d’impôt pour toute personne jusqu’à 300 000 € d’héritage sur toute la vie et de fiscaliser de manière progressive les héritages perçus au-delà pour atteinte un taux moyen de 7% de prélèvement.
Le retour des inégalités et d’une société d’héritiers
Les inégalités sont de retour. Après un petit siècle de recul historique, inégalités de revenus et inégalités de patrimoines progressent à nouveau depuis les années 1980, désormais jusqu’à l’insoutenable. Les travaux universitaires s’additionnent aux rapports des ONG pour en décrire l’ampleur et en souligner les graves conséquences. Elles sapent la cohésion de nos sociétés, ébranlent nos modèles sociaux, disqualifient les démocraties comme la promesse républicaine d’égalité. Elles érodent même la croissance, elles aggravent tous les maux d’une société, elles nuisent à tous et à tout.
Le rapport 2018 sur les inégalités mondiales relève qu’au niveau mondial (représenté par la Chine, l’Europe et les Etats-Unis), la part des revenus des 1% les plus riches dans le revenu global est passée de 28% en 1980 à 33% aujourd’hui, alors que la part des 75% les plus pauvres oscillait autour de 10%.
Toujours à cette échelle mondiale, il apparaît que le patrimoine est significativement plus concentré encore que les revenus. Les 10% les plus riches possèdent plus de 70% du patrimoine, alors que les 50% les moins riches en possèdent moins de 2%. Le reste allant aux 40% de la population intermédiaire considérée comme la classe moyenne.
Ce rapport relève que si la tendance actuelle en matière d’inégalités de patrimoine devait se prolonger, les 0,1% les plus riches posséderont plus de patrimoine que toute la classe moyenne mondiale en 2050.
Sur ces bases, le rapport alerte sur le fait que “des évolutions relativement minimes, par exemple des inégalités d’épargne ou de rendement du capital, peuvent avoir des répercussions considérables sur les inégalités de patrimoine à long terme. (…) (Ainsi) dans l’hypothèse où les taux d’épargne de la période 1984 – 2014 se maintiendraient, de même que les écarts de taux de rendement et de revenus d’activité, la part de patrimoine détenue par les 10% les plus riches remonterait progressivement (d’ici la fin du siècle) aux niveaux observés au XIXème siècle et au début du XXème siècle, c’est-à-dire environ 85%”. Ainsi le XXIème siècle est engagé, à ce jour, dans un grand retour en arrière s’agissant des inégalités.
Cette régression se retrouve mécaniquement dans l’évolution des montants transmis chaque année. Et cela alors que l’augmentation plus rapide des patrimoines que des salaires depuis vingt ans se couple aux évolutions démographiques de notre société.
En France, depuis les années 1980, les inégalités de salaires comme de patrimoines, après soixante années de baisse, progressent de nouveau. En 2019, selon l’observatoire des inégalités, les 10% les mieux payés ont gagné 6,7 fois plus que les 10% les moins bien payés.
La crise du COVID 19 a mis en évidence l’infidélité de notre société à ses propres principes, à sa promesse selon laquelle les distinctions sociales ne sauraient se justifier que par l’utilité commune. Il est apparu que les métiers dont nous avons vitalement besoin sont loin d’être les mieux reconnus.
Le retour d’une société d’héritiers
Alors que la question de l’héritage fit l’objet, dans les sociétés pré-démocratiques et démocratiques naissantes, de débats passionnés entre les penseurs et réformateurs sociaux les plus illustres, nous laissons se réinstaller une société d’héritiers.
La note d’analyse n°51 de France Stratégie de janvier 2017 souligne “qu’entre 1980 et 2015, la valeur réelle du revenu disponible passant des ménages français a augmenté de 77% passant de 719 à 1 275 milliards d’euros en 2015. Dans le même temps, leur patrimoine était multiplié par trois, bondissant de 3 500 à 10 600 milliards d’euros en 2015. Le patrimoine net représente désormais 8 années de revenu disponible des ménages contre 4,5 années au début des années 1980″. De plus la part des actifs financiers dans ces patrimoines est passée de 30% à 42% sur la même période.
Cette envolée du patrimoine se retrouve dans une forte augmentation des montants transmis. France Stratégie évalue ainsi une progression de 60 milliards en 1980 à 250 milliards transmis en 2016. Or cette somme se redistribue de manière très inégalitaire.
Contrairement à une idée reçue, la transmission des patrimoines est très faiblement taxée (à peine 5% en moyenne), et accompagne un creusement abyssal des inégalités (33% des héritiers héritent de moins de 8.000 Euros, 28% de 8.000 Euros à moins de 30.000 Euros, 23,4% de 30.000 Euros à moins de 100.000 Euros et 15% de plus de 100.000 Euros). Ainsi les héritages renforcent les inégalités de revenus existant au sein même d’une génération. Cette situation accentue la reproduction sociale, la ségrégation et même une forme de sécession des élites et le fait que les situations sociales soient de plus en plus déterminées par des héritages, des rentes transmises de génération en génération.
Nous avons laissé prospérer d’insondables inégalités au cœur de nos sociétés, qui viennent désormais saper l’idéal républicain d’égalité, comme une promesse non tenue.
Alors que les révolutions du XVIIIème siècle avaient porté haut l’imaginaire égalitaire, celui-ci s’érode sous les coups de boutoir du libéralisme qui prétend lutter contre les injustices plutôt que contre les inégalités, mais qui abandonne en réalité les plus pauvres à ce qu’il prétend être leur destin de perdant.
Alors que la progression des inégalités est connue, documentée, beaucoup de nos comportements individuels et de nos choix collectifs semblent attester de ce que François Dubet nomme “La préférence pour l’inégalité”. Il rappelle par ailleurs qu’il faut une conception forte de la fraternité pour rendre possible l’égalité sociale. Or, la conception communautaire de la nation, qui sous-tend le principe de fraternité, a explosé sous les coups de mutations profondes. Les mutations économiques dans le cadre de la mondialisation. Les mutations politiques qui ont affaibli l’Etat souverain dans ses frontières. Et une mutation de notre imaginaire collectif au profit d’une société fragmentée.
C’est à la reprise de cette lutte pour l’égalité qu’entendent participer les propositions d’un Revenu de base inconditionnel et d’une Dotation universelle.