L’argent “magique” d’une société qui construit l’égalité

Pour 5 000 par personne à 18 ans, la DOT représente un coût de 4,5 milliards d’euros par an.

Pour le revenu de base, le rapport de l’IPP décompose le coût global ainsi : l’automaticité du versement (passage à un recours à 100 %) sans modification du système est estimée à 2,9 milliards d’euros. La simplification du système RSA et prime d’activité est estimée à 1,5 milliards d’euros. L’éligibilité à ce revenu de base à partir de 18 ans coûterait 11,8 milliards d’euros annuels de dépenses supplémentaires, soit un coût total de 16,2 milliards d’euros annuels.

Le coût annuel global de ces deux mesures serait donc d’environ 21 milliards d’Euros.

Cette somme est à relativiser pour au moins deux grandes raisons. Premièrement, une partie provient du fait que le Revenu de base résout le problème du non recours aux droits. Ainsi, seront alloués des sommes qui devraient déjà l’être, soit presque 3 milliards d’euros. Deuxièmement parce que l’instauration de ce revenu de base devrait s’accompagner d’une révision profonde de certains dispositifs existants. Ainsi par exemple les

exemple des bourses étudiantes, dont même les plus élevées sont inférieures au niveau du Revenu de base, qui les remplacerait donc. Sans envisager leur pure et simple suppression, ce dispositif qui représente une dépense publique de plus de 2 milliards d’Euros annuels serait de toute évidence à revoir.

Notre société se caractérise par une reprise de la croissance des inégalités. Inégalités de revenus, inégalités de patrimoines, et inégalités entre les entreprises, entre les multinationales qui mettent en concurrence les pays et leurs systèmes fiscaux et sociaux, et l’ensemble des PME-PMI qui subissent la pression de ces grands donneurs d’ordres.

C’est pourquoi nous proposons de financer ces deux mesures qui visent à égaliser les conditions d’entrée dans la vie active et à sécuriser les parcours professionnels, par cinq améliorations de la progressivité de notre fiscalité tant sur le revenu, sur le patrimoine que sur les multinationales qui échappent pour certaines complètement à l’impôt :

Cinq mesures de financement pour l'AILE(S)

Nous proposons de financer la Dotation universelle en capital par une réforme profonde de l’imposition des plus hautes successions, celles qui ne sont pas le fruit du travail d’une vie, mais celles qui entretiennent la rente de génération en génération.

Un financement par l’impôt sur les successions pour organiser une solidarité des générations entre elles. Une imposition réformée profondément qui ne sera plus assise sur chaque donation ou héritage, mais sur le total des sommes reçues par chacune et chacun tout au long de sa vie, organisant une redistribution intra-générationnelle.

Le patrimoine transmis par les Français s’élevant à 250 milliards d’euros chaque année, prélever les 4,5 milliards d’euros de plus nécessaires au financement de la dotation, reviendrait à porter de 5% à 7% la part moyenne des transmissions prélevées par l’impôt.

Pour y parvenir, plutôt que de rehausser les taux d’imposition actuels, il est proposé de revoir la logique d’imposition des successions et donations. Depuis la création des droits progressifs en 1901, le barème est appliqué à la part revenant à chaque héritier ou donataire sans qu’il soit tenu compte du patrimoine qu’il a déjà pu recevoir par le passé. Ainsi, 200 000€ transmis par un parent à son descendant est imposé au même taux, qu’il s’agisse pour ce dernier de sa première transmission patrimoniale ou qu’il ait déjà perçu par ailleurs plusieurs millions d’euros d’héritages ou donations au cours de sa vie. Seules les donations effectuées dans les 15 dernières années par la même personne sont prises en compte.

La présente proposition de loi vise à rompre avec cette logique aveugle et à tenir compte, lors de l’imposition de chaque transmission, de l’ensemble du patrimoine qu’a déjà pu recevoir l’héritier ou le donataire, transmis par toute personne.

L’abattement de 100 000 € applicable actuellement par tranche de 15 ans est rehaussé à 300 000€ et sa portée devient générale: il ne s’applique plus seulement aux transmissions consenties à un descendant, mais à toute transmission perçue, et ne s’applique qu’une fois au cours de la vie : une fois son montant atteint (que ce soit en un héritage élevé ou en plusieurs transmissions de plus faibles montants), les autres transmissions reçues seront taxées au premier euro selon un barème progressif.

Par ailleurs, afin d’éviter que les hauts patrimoines bénéficiant d’exonérations spécifiques échappent à ces nouvelles règles, il est prévu de revoir trois dispositifs de faveur aujourd’hui applicables :

  • Le prélèvement spécifique applicable à l’assurance vie, qui comporte un abattement supplémentaire de 152 500 € et dont le barème déroge au barème progressif de droit commun, s’appliquera dorénavant en tenant compte des sommes déjà perçues par le bénéficiaire au titre d’autres contrats d’assurance vie ;
  • L’exonération à 75 % des transmissions de parts d’entreprises dite « Dutreil » (dont le taux peut atteindre 87,5 % en cas de donation avant 70 ans) sera modifiée pour ramener son taux à 50 % (soit le niveau initialement prévu par la loi Dutreil en 2003) et la plafonner, comme en Allemagne, à 26 millions d’euros d’actifs transmis, ce qui permettra de la cibler de manière prépondérante sur les petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire ;
  • L’exonération dont bénéficie aujourd’hui la transmission par héritage de l’usufruit d’un bien, au profit de l’héritier qui en a antérieurement reçu la nue-propriété par donation, sera supprimée afin de mettre un terme aux montages d’optimisation auxquelles elle donne lieu.

Ciblée sur les très hautes successions, cette réforme exonère d’impôt plus de 85% des Français En prévoyant un financement via une taxation progressive des successions assise sur le capital reçu par chaque personne tout au long de sa vie, cette réforme organise une redistribution intra-générationnelle. Tous les jeunes d’une même génération auront eu droit à leur dotation. Mais au cours de leur vie, selon le montant des héritages dont ils bénéficieront, seule une petite minorité financera le montant global de ce dispositif.

Le quotient conjugal, utilisé depuis 1945 pour le calcul du montant de l’impôt sur le revenu dû par les couples mariés ou pacsés, a plusieurs inconvénients :

  • L’avantage fiscal que peut procurer le quotient conjugal croît avec les revenus du couple ;
  • Il peut décourager l’activité d’une des deux personnes du couple, le plus souvent la femme.

Dans un document de novembre 2019, l’INSEE a montré que 7 millions de ménages ont bénéficié d’une baisse de leur impôt sur le revenu en raison du quotient conjugal, pour un gain moyen de 1 700 euros. Ce gain moyen s’élève à 11 300 euros pour les 0,5 % des foyers les plus riches, 16 300 euros pour les 0,1 % des foyers les plus riches et 37 500 euros pour les 0,01 % des foyers les plus riches. 

Le quotient conjugal porte donc fortement atteinte à la progressivité de l’impôt sur le revenu, d’autant plus que l’avantage fiscal procuré par le quotient conjugal n’est pas plafonné, contrairement au quotient familial (parts attribuées pour les personnes à charge), dont l’avantage ne peut dépasser 1 567 euros par an et par demi part, soit 3 134 euros par part.

Le graphique ci-dessous montre la ventilation des effets de cette mesure par déciles :

Plafonner le quotient conjugal permettrait donc de renforcer la progressivité de l’impôt en ne faisant contribuer que les couples mariés ou pacsés les plus aisés. La fixation d’un plafond identique à celui du quotient familial, soit 1 567 euros par an par an et par demi part, permettrait un surcroît de recettes fiscales égal à 3 milliards d’euros environ selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). 7 % des couples seraient perdants, soit moins d’un million de ménages, pour lesquels l’impôt augmenterait en moyenne de 3 232 euros par an (près de 5 000 euros par an en moyenne pour les 10 % des foyers fiscaux les plus riches).

Le tableau ci-dessous précise les chiffres du graphique :

Au-delà des 3 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, l’avantage de cette réforme est double :

  • Il épargne les 40 % des foyers fiscaux les plus modestes ;
  • Plus un couple marié ou pacsé est riche, plus il verra son impôt augmenter.

Le barème de l’impôt sur le revenu comprend aujourd’hui 5 tranches :

La dernière modification de ce barème a été l’abaissement de 14 % à 11 % du taux de la deuxième tranche applicable aux revenus de 2020.

À la lumière du tableau ci-joint, l’on constate que la progressivité de ce barème s’est fortement affaiblie avec le temps (baisse du nombre de tranches, diminution du taux de la dernière tranche).

L’introduction d’une nouvelle tranche supérieure revient souvent dans le débat public. La dernière en date est la proposition de Laurent Berger de créer une tranche avec un taux de 50 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros.

Nous proposons une réforme un peu plus ambitieuse de ce barème, avec :

  • Une 4ème tranche avec un taux de 41 % pour les revenus compris entre 73 369 euros et 124 999 euros ;
  • Une 5ème tranche avec un taux de 45 % pour les revenus compris entre 125 000 euros et 249 999 euros ;
  • Une nouvelle tranche avec un taux de 50 % pour les revenus égaux ou supérieurs à 250 000 euros.

Le rendement dégagé serait de 1,5 milliard d’euros, concentré sur 200 000 ménages qui relèvent principalement du dernier décile.

Cette année, les 80 % des ménages les plus modestes ne paieront plus de taxe d’habitation. À compter de 2021, la taxe d’habitation sera progressivement supprimée pour les 20 % des ménages restants pour une suppression définitive en 2023.

Dans son rapport sur la première partie du PLF 2020, le rapporteur général du budget écrit que « le coût associé à l’exonération des 20 % des contribuables est estimé à 2,3 milliards d’euros en 2021, 5,1 milliards d’euros en 2022 et 7,8 milliards d’euros à compter de 2023 ».

Dans l’avant-dernier version de leur rapport sur la refonte de la fiscalité locale, Dominique Bur et Alain Richard avaient inclus le tableau présent sur la page suivante (retiré dans la version définitive du rapport). On y observe que la suppression de la taxe d’habitation est un cadeau fiscal de plus de 2 000 euros pour les ménages imposés au taux marginal de 45 %.

Nous proposons de reporter, sine die, la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation.

Pour contourner le risque constitutionnel du maintien de la taxe d’habitation pour un cinquième des ménages seulement, cette suspension pourrait se transformer en transformation. Il suffirait d’utiliser la méthode retenue par le Gouvernement au moment de la transformation de l’ISF en IFI.

Pour centrer l’ISF sur le seul capital immobilier et contourner le risque de rupture d’égalité devant l’impôt entre les contribuables, le Gouvernement n’a pas modifié l’ISF. Il l’a supprimé et a créé un nouvel impôt, l’IFI, qui n’est rien d’autre que l’ISF avec une assiette plus réduite.

Dans le cas de la taxe d’habitation, il faudra la supprimer et créer en remplacement un nouvel impôt local avec un seuil d’assujettissement ciblant les 20 % des ménages les plus aisés. modifié

Chaque société domiciliée à l’étranger vendant des biens ou des services en France pour un montant excédent 150 millions d’euros (ce montant pouvant ultérieurement évoluer) deviendrait sujette à l’impôt sur les sociétés, qu’elle possède un établissement stable en France ou non.

Les bénéfices imposables seraient calculés en multipliant les bénéfices mondiaux consolidés du groupe par la fraction de ses ventes mondiales faites en France.

Chaque année, 40 % des bénéfices des multinationales sont transférés artificiellement vers des paradis fiscaux et ainsi, 600 milliards de dollars de base taxable échappent aux États. En 2016, les entreprises américaines ont enregistré plus de profits en Irlande qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits faramineux, elles se sont acquittées du taux dérisoire de 5,7 %.

L’Union Européenne, pour sa part, perd chaque année, par le jeu des délocalisations artificielles de profits vers les paradis fiscaux, l’équivalent de 20 % du montant de l’impôt sur les sociétés collecté. Pour la France seule, cette optimisation fiscale agressive correspond à une perte de plus de 5 milliards d’euros par an.

Quant aux pays en développement, ils se trouvent privés de ressources majeures au regard de l’aide publique au développement qu’ils reçoivent. Selon certaines ONG, ils perdent en ressources fiscales jusqu’à 10 fois ce qu’ils reçoivent en aide publique.

La course au moins-disant fiscal désarme les États et érode chaque jour un peu plus leur souveraineté. Elle affecte tout, la loyauté de l’économie, le pouvoir d’achat des ménages sur lesquels est reportée la fiscalité, les services publics qui manquent de moyens, l’environnement qui n’est jamais la priorité. Cette faiblesse des États les prive des moyens nécessaires à la lutte contre les inégalités via des investissements dans l’éducation, dans les systèmes de santé, dans la préservation de l’environnement. Un cercle vicieux se met en place, l’optimisation fiscale agressive alimente jusqu’à l’insoutenable les inégalités et compromet l’avenir. Elle nourrit toutes les frustrations, tous les ressentiments, toutes les contestations de la démocratie libérale.

Pourtant, nous pouvons agir. Nombreux et documentés sont désormais les travaux de chercheurs proposant de réformer les dispositifs légaux afin de ramener les multinationales dans le droit commun de l’impôt sur les sociétés, en récupérant la base taxable qui échappent aux États du fait de pratiques d’optimisation fiscale agressive. Ils suggèrent en générale, pour plus d’efficacité, une forte coopération entre États pour y parvenir.

C’est ainsi que l’Union européenne en a fait un chantier prioritaire, mais sans résultat pour le moment, le projet de réforme de l’imposition des sociétés (ACCIS) conçu par la Commission européenne reste bloqué par le Conseil européen depuis 2011. Si la coopération européenne et internationale demeure un objectif premier, il est possible d’agir sans attendre que l’ensemble de la communauté internationale se décide.

C’est le sens de cette proposition, écrite en collaboration avec l’économiste Gabriel Zucman.

Comme il l’est dit plus haut, le dispositif proposé vise à changer la définition de la base imposable en France.

Chaque société domiciliée à l’étranger vendant des biens ou des services en France pour un montant excédent 150 millions d’euros (ce montant pouvant ultérieurement évoluer) deviendrait sujette à l’impôt sur les sociétés, qu’elle possède un établissement stable en France ou non. Les bénéfices imposables seraient calculés en multipliant les bénéfices mondiaux consolidés du groupe par la fraction de ses ventes mondiales faites en France.

Ce faisant, ce dispositif vise à donner corps à un principe simple : les multinationales doivent payer leurs impôts là où elles font leur chiffre d’affaires.

Ce dispositif propose de modifier le mode de calcul de l’assiette de l’Impôt sur les Sociétés, sans en changer le taux.Son adoption modifierait le Code général des impôts de manière à ce que les multinationales payent en France leur impôt sur les sociétés au prorata du pourcentage de leurs ventes mondiales réalisées dans le Pays.

Si, par exemple, une multinationale fait 10 milliards d’Euros de bénéfices consolidés dans le monde, et qu’elle réalise 10 % de son chiffre d’affaires en France, alors le calcul de son impôt sur les sociétés se fera sur la base de 10 % de ces 10 milliards, soit 1 milliard d’Euros. Quand bien même ces bénéfices auraient été artificiellement transférés comptablement vers des pays à fiscalité nulle ou très faible.

Pour aller au bout de la logique de ce dispositif et lutter réellement contre l’évasion fiscale, il est prévu une clause anti-abus. L’administration fiscale se réserve le droit d’ignorer les ventes faites à des territoires à fiscalité nulle ou faible dans le calcul de la proportion des ventes mondiales faites en France. Cette mesure permet d’éviter que les sociétés déclarent une fraction disproportionnée de leurs ventes à des clients hors-groupe implantés dans des paradis fiscaux.

Un principe général peut être le suivant :

  • Les groupes dont le siège social est en France sont imposables en France sur leurs profits mondiaux (quelle que soit la fraction de leurs ventes faites en France), avec crédit d’impôt pour annuler tous les impôts sur les sociétés payés à des États étrangers.
  • Les groupes dont le siège social est à l’étranger sont imposables en France sur leurs bénéfices mondiaux ventilés au au prorata des ventes faites en France. Les pays où les sièges sociaux sont domiciliés accordent des crédits d’impôt pour effacer l’impôt payé en France.

Dans une période intermédiaire permettant la conduite des négociations les bénéfices réalisés en France calculés en l’état du droit resteraient pleinement imposés en France s’ils sont supérieurs à ceux résultant de l’application des nouvelles règles proposées. Pendant cette période, les nouvelles règles proposées permettraient, en droit interne, de taxer les bénéfices supplémentaires actuellement taxables à l’étranger au fur et à mesure de la renégociation des conventions fiscales concernées. Il s’agit par cette mesure transitoire d’éviter la double non imposition le temps que les autres pays (et les conventions fiscales) s’adaptent.

Avec ce dispositif la France peut engager un travail pionnier de rééquilibrage des rapports de force entre États et multinationales.

C’est un chemin nécessaire qui n’épuise pas le monumental chantier de la lutte contre l’optimisation fiscale et la loyauté de l’impôt mais s’y engage résolument. Il formule des choix que le travail futur pourra faire évoluer. S’agissant de la clef de répartition du chiffre d’affaires, la réforme ici proposée ne s’appliquant qu’en France seule, il a été fait le choix de ne pas retenir l’hypothèse d’y inclure la masse salariale et le capital pour éviter le risque d’une incitation à la délocalisation des multinationales vers des pays à fiscalité faible.

Le choix retenu a d’abord été guidé par la défense des intérêts français et de son tissu industriel, et donc à ne retenir qu’une formule fondée sur les ventes uniquement. Ce choix laisse les autres pays libres de choisir un système prenant en compte les trois facteurs dans la mesure où il n’est pas nécessaire que tous les pays appliquent la même formule pour que l’imposition fonctionne (les États américains appliquent des formules différentes).

La recherche d’un impôt mondialement juste pose la question des pays en voie de développement, pays de production ne disposant pas d’un marché intérieur susceptible d’offrir une base taxable significative. La réforme engagée par la présente proposition a vocation à récupérer la base taxable des multinationales échappant à l’ensemble des États du monde, elle aura un effet collatérale positif pour les pays en voie de développement qui sont d’ores et déjà les premières victimes de l’optimisation fiscale que leur imposent les multinationales.

La poursuite des travaux engagés au plan mondial (comme le projet européen ACCIS, qui envisage la prise en compte, en plus du chiffre d’affaire, de la répartition des actifs et de la masse salariale), comme la renégociation des conventions fiscales dans le cas de la France devront être l’occasion de traiter de l’équité fiscale entre pays de production et pays de consommation, en envisageant par exemple les voies et moyens d’une déduction d’autres impôts et taxes (impôts de production, droits d’exploitation…) de la base de l’impôt sur les sociétés.

S’agissant des groupes intégrés, la ventilation par les ventes change la localisation de leur assiette taxable au profit des pays où résident les clients des sociétés de l’aval. C’est néanmoins un gros progrès par rapport au système actuel dans lequel on laisse de facto à ces groupes le choix du pays où elles souhaitent déclarer leurs profits via l’utilisation des prix de transfert (en pratique, elles choisissent le plus souvent l’Irlande ou les Bermudes).

Cette proposition avantage donc à nouveau la France.

S’agissant de la détermination de la localisation du chiffre d’affaires dans le numérique, il faut partir des relevés de TVA (les publicités vendues par Google à des clients français sont soumises à la TVA en France), et inclure un nombre d’utilisateurs dans le calcul du CA par pays.

Cette réforme peut aussi servir à améliorer les normes comptables qui s’appliquent aux entreprises du numérique et la transparence dans ce secteur.

S’agissant des groupes étrangers avec sièges hors de France, il faudra conditionner l’accès au marché français au fait de fournir au fisc une ventilation pays par pays de leurs ventes mondiales, ainsi que le montant des profits mondiaux consolidés. L’information fournie sur le montant des ventes faites en France pourra être vérifiée en utilisant les relevés de TVA.

Les questions de double imposition vont être instrumentalisées par certains lobbys mais en pratique sont d’une importance secondaire par rapport à la double non-imposition actuelle. Un bon exemple : les multinationales américaines aimaient se plaindre du fait que le crédit d’impôt accordé par le fisc américain n’effaçait pas 100 % des impôts étrangers mais en pratique il effaçait largement plus de 90 % …

Cette proposition s’inscrit dans un combat de long terme, qui doit prioritairement conduire à ce que les États retrouvent leurs bases fiscales, condition et expression de leur souveraineté. Ce ne sont pas aux multinationales de faire jouer la concurrence entre les États, mais le cas échéant, aux États de définir des règles qui s’imposent aux acteurs économiques et développer si nécessaire des coopérations et des politiques d’aide au développement entre eux.